LECLERC, L’AFRICAIN

 

CLAIRONS AU COEUR DU SAHARA

 

 

 

 

 

QU’IL soit à la tête de vieilles troupes africaines, qu’il commande une division blindée ou qu’il aborde à Douala, la nuit, pour rallier le Cameroun à la France libre, Leclerc se détache, seul avec ses compagnons, sur la toile de fond des batailles, des armées en marche et du monde en révolution.

Et l’on dira dans l’histoire — on dit déjà — la Colonne Leclerc, la Division Leclerc.

Indépendant, Philippe de Hautecloque — Leclerc est le nom de guerre de ce général de 43 ans — l’est avec passion, et cette passion est telle qu’en 1940, il n’envisage même pas l’hypothèse de la captivité, encore moins celle d’une capitulation.


Sa division ayant été encerclée à Lille, il arrive à franchir les lignes et reprend aussitôt le combat dans une autre unité. Blessé à la tête, évacué sur un hôpital près d’Avallon, il y est fait prisonnier, profite de la première défaillance de ses surveillants pour s’emparer d’une bicyclette et, le front encore entouré d’un pansement, vêtu d’effets mi-civils mi-militaires, il file à toute allure, n’ayant qu’une idée : gagner l’Angleterre où il sait qu’autour du général de Gaulle l’attendent des camarades avec lesquels il pourra continuer la lutte.

Roulant de préférence la nuit, il pousse vers la côte et, de péripétie en péripétie, atteint la région de Bayonne : une première tentative d’embarquement au Boucan ayant échoué, il franchit les Pyrénées, tombe sur des carabiniers qui l’arrêtent, s’évade — il commence à en avoir l’habitude -— passe au Portugal et, enfin, arrive à Londres, d’où il s’élancera en pleine épopée.

Tel est l’homme — nous devrions dire : le héros. Aussi à son aise au milieu des blindés modernes que ses aïeux parmi les escadrons bardés de fer des chevaliers, le général Leclerc perpétue parmi nous les plus belles traditions de son arme : la Cavalerie.

Le colonel Leclerc était à peine rétabli de sa blessure que, le 22 août 1940, le « Premier Résistant » de France le désignait comme Commissaire au Cameroun, lui confiant l’organisation et la défense du territoire sous mandat français, avec mission de le rallier à la résistance, puis… de libérer l’Afrique Française. Rien que cela!
Mais le Chef savait qu’il mettait la bonne cause en bonnes mains.

L’arrivée du nouveau Commissaire, le 27 août 1940, fut exempte du faste qui accompagne d’ordinaire ces cérémonies.
Venant de TIKO, dans le Cameroun britannique, c’est en modeste pirogue, en pleine nuit, après un voyage mouvementé de 14 heures, qu’il débarque dans son fief, accompagné de 23 hommes qui, eux non plus, ne considèrent pas la France comme vaincue.
En leur âme sonne l’écho de la voix chargée d’espoir : «La France a perdu une bataille, mais elle n’a pas perdu la guerre. »

Dès le lendemain, le Cameroun s’est rallié, sous le gouvernement civil et le commandement militaire du colonel Leclerc.
Il est à pied d’œuvre pour préparer la revanche, et ne va pas tarder à agir.
S’inspirant des raids antérieurs des garnisons du Tchad, il arrête son plan. L’extraordinaire coup de main sur Koufra, la conquête du Fezzan, la libération de la Tunisie aux côtés des Alliés, voilà les résultats qui, en moins de deux ans, seront le fruit de sa volonté acharnée.

Il se fait donc relever de ses fonctions au Cameroun et vient se fixer au Tchad

Les Italiens sont bien accrochés dans toute la région fezzanaise. S’ils n’ont pas appliqué des méthodes de colonisation très humaines, il faut reconnaître qu’ils ont réalisé une solide organisation militaire. Mettent en œuvre des moyens largement supérieurs aux besoins effectifs, ils ont pourvu leurs postes principaux de défenses redoutables et les ont bourrés d’approvisionnements en vivres, matériel et armement. Leclerc le sait et il en tirera avantage. L’ennemi est trop sûr de sa force : il se croit à l’abri de toute attaque et se laissera surprendre et manœuvrer.

Et pourtant, les difficultés à vaincre sont immenses. Aucune aide à espérer dans ce vaste désert, en dehors des quelques ressources qu’on aura pu amener. Encore les dépôts d’essence peuvent-ils être pillés, les puits détruits. Tantôt fait de sable où l’on s’enlise, tantôt hérissé de roches qui éventrent pneus et carters, le terrain est aussi défavorable que possible pour les camions, auxquels il faut parfois ménager de véritables tapis de plaques de tôle, découpées dans des fûts à essence, pour les tirer des mauvais passages. Des températures de 60° crevassent la peau, brûlent les yeux et les narines; la nuit, le gel fait éclater les réserves d’eau. Et le vent de sable aveugle les hommes, enraye les armes et les moteurs, disperse les convois. Leclerc ne l’ignore pas, mais rien ne le fera reculer.


Désensablement (SHD)

Son premier objectif sera Koufra, symbole de l’orgueil italien.. L’oasis, située à 1.700 kms de Fort-Lamy, est protégée par le puissant fort d’El Tag, aux murs crénelés, flanqué de quatre bastions massifs hérissés de canons et de mitrailleuses, et qui surveille une zone de plus de 15 kilomètres à la ronde. La position est en plein désert libyen, desservie par 500 kilomètres de pistes désolées. Le terrain d’aviation est de première importance pour les Italiens qui en ont fait la base de leurs communications aériennes entre la Libye et l’Ethiopie. La garnison est de 1.500 hommes.

Pour attaquer, le colonel Leclerc dispose de quelques vieux blédards aguerris et d’une section de la légion des volontaires du Cameroun à Fort-Lamy avec un matériel de transport. Son artillerie se compose d’un canon de 75 mm de montagne.

En tout 100 Européens et 300 indigènes, dont 200 combattants.

La colonne est rassemblée à Faya d’où elle se met en route dans la direction d’Ounianga, et, tout de suite, les épreuves commencent. Le terrain, signalé comme excellent, l’est peut-être pour des chameaux, mais les véhicules lourdement chargés brisent la croûte de sable et menacent de s’enliser. Quelques éléments connaissent des heures pénibles, ne gagnant que 3 kilomètres en une journée; une voiture doit être abandonnée. Puis le sol s’affermit, mais il est semé de roches, et la progression reste lente. Enfin on arrive à Ounianga où l’on a rendez-vous avec les patrouilles britanniques du major Clayton.
Celles-ci reconnaîtront la région du Djebel Cherif et attendront les éléments français.


TCHAD “Lysander” de l’Escadrille RENNES

Le 31 janvier 1941, les Anglais atteignent le puits de Bichara et le trouvent détruit : l’ennemi est donc en éveil. Un avion survole le détachement, guidant une colonne motorisée italienne. Les voitures du Major Clayton cherchent à se dissimuler dans un étroit couloir rocheux. Trop tard : un feu violent est déclenché de part et d’autre. Trois véhicules anglais flambent, d’autres sont pris à partie par les avions italiens. Le Major Clayton est blessé et fait prisonnier. Le reste se reforme en arrière, tendis qu’un officier de liaison va avertir le colonel Leclerc. Sa réaction est immédiate : «En avant ! et tout de suite ! ».

L’ennemi est donc sur ses gardes, mais on peut le gagner de vitesse. Leclerc fait effectuer par notre aviation un raid qui bouleverse le terrain d’atterrissage de Soufra, détruisant cinq appareils et des dépôts de munitions et d’essence. Lui-même prend le commandement d’une patrouille légère : en 48 heures, il atteint El Giof, surprend un poste de carabiniers, détruit un avion et continue jusqu’au puits de Sarra qui est trouvé bouché. Pendant que quelques hommes, sans matériel, en plein ‘désert, s’efforcent de le remettre * en état, Leclerc continue sa randonnée. Aux approches de Koufra, il y a quelques accrochages : des avions ennemis harcèlent notre patrouille. Dans une chaleur d’étuve, plusieurs de nos voitures brûlent, des caisses de munitions sautent. Une compagnie saharienne italienne intervient: notre infériorité numérique est manifeste, mais nous attaquons si vigoureusement que l’adversaire n’insiste pas.

Les jours suivants se passent en reconnaissances et en opérations de harcèlement : le poste radiogonio-métrique italien est détruit, deux avions- sont incendiés… Mais nos effectifs sont décidément trop faibles pour mener une attaque contre Koufra et Leclerc ramène son monde à Largeau, d’où il préparera l’action décisive. Le 16 février, il est de nouveau au puits de Sarra remis en état. Le départ à lieu le 17 et, le 19, ordre est donné de contourner le fort d’El Tag par l’est et le nord. Brusquement apparaissent dans un repli de terrain, les blindés de la compagnie saharienne italienne : Leclerc, dans la voiture de tête, s’écrie : « A terre ! on les tient !… » Et pendant qu’un peloton ouvre le feu de face, un autre s’avance vers la gauche : l’ennemi craint d’être tourné, et s’enfuit si vite et si loin qu’il ne peut être rejoint. Leclerc a désormais les mains libres pour attaquer El Tag. jour et nuit, par des tirs et des coups de main dont l’un atteint les défenses extérieures du fort, il ne laisse aucun répit aux défenseurs.

Tandis qu’il prend ses dispositions pour un siège de longue durée, le 27 février, les Italiens demandent un armistice; Leclerc exige une capitulation sans conditions. Et le vacarme continue, ponctué par notre unique canon.
Enfin, le 1er mars, le drapeau blanc est hissé et un parlementaire se présente : après une discussion stérile, où l’Italien visiblement cherche à gagner du temps, Leclerc a une inspiration magnifique qui est bien dans son tempérament : il reconduit le parlementaire, pénètre avec lui dans le fort, fait rassembler tous les officiers, et le premier de nos détachements qui le rejoint peut jouir de ce spectacle peu banal et inattendu : le colonel Leclerc haranguant une brochette d’officiers italiens au garde-à-vous !

Spectacle combien réjouissant et réconfortant pour nos hommes hâves, hirsutes et déguenillés, mais fiers de présenter les armes au drapeau tricolore à Croix-de-Lorraine, qui désormais flotte sûr le fort d’El Tag.


Entrée du Fort de KOUFRA ( Col. Rodgers)


Le butin est imposant : 12 officiers italiens, 52 sous-officiers et hommes de troupe, 235 Askaris ou tirailleurs libyens, 4 pièces de D.C.A. et anti-chars calibre 20,48 mitrailleuses lourdes, 53 légères, des munitions en quantité, 9 voitures Spa (matériel saharien), 2 Fiat de 7 tonnes et 3 voitures légères. Le fort comportait en outre des moteurs à essence une centrale électrique, un atelier auto et avion, et une grande abondance de conserves, de farine, de macaroni et de fromage !


KOUFRA : armement pris aux Italiens

L’affaire du Fezzan qui va suivre est une opération d’envergure, si l’on considère qu’il s’agit d’un territoire grand comme la France. Elle sera menée par le général Leclerc, avec les seuls moyens dont il dispose : pourtant, il va attaquer sur des points divers, avec une soudaineté telle que la défense en sera désorganisée.


Tandis que l’armée anglaise a fort à faire avec les troupes allemandes du maréchal Rommel, le général Leclerc prépare une série d’opérations partielles destinées à mettre les Italiens dans un état de trouble permanent. Quatre colonnes sont mises en mouvement, évitant tout déplacement de jour pour échapper aux regards de l’aviation, et favorisées d’ailleurs par des vents de sable qui rendent la visibilité mauvaise. On arrive ainsi au contact des postes avancés italiens qui sont enlevés sans que l’éveil ait été donné Les événements se précipitent. Coup sur coup, la garnison de Tedjéré est bousculée, celle de Gatroun est surprise tandis que l’officier payeur italien est en train d’aligner paisiblement la solde.
L’action continue : Umm-el-Araneb, à 200 kilomètres au nord, est attaqué; Tmessa, plus loin encore, est détruit après la mise en déroute, à la mitrailleuse et à la grenade, d’un peloton méhariste ennemi; enfin Ouaou-el-Kébir capitule et est détruit.
La marche a été si foudroyante que l’aviation adverse arrivera tout juste à inquiéter un de nos éléments d’arrière-garde, sur la voie du retour vers Zouar, tandis que notre groupe « Bretagne » participe efficacement aux opérations, en liaison avec les colonnes mobiles, les appuyant et bombardant notamment Zouila et Mourzouk. Puis, leur mission terminée, nos éléments se retirent en deçà de la frontière du Tchad.

L’opération décisive ne commencera qu’à la fin de 1942. Leclerc dispose de troupes presque exclusivement indigènes, composées en grande majorité de tirailleurs de l’ethnie des Sarahs, mobilisés au régiment des tirailleurs sénégalais du Tchad. Les cadres européens proviennent d’éléments qui se trouvaient sur place lors du ralliement du Cameroun, du Tchad, de l’Oubangui-Chari, du Moyen-Congo, et de volontaires venus de toutes les parties du monde, mais surtout d’Angleterre où ils avaient reçu l’instruction nécessaire.

Au total, 1.200 Européens, et 5.000 tirailleurs environ.


Fezzan – 42e Compagnie de découverte


Quant au matériel destiné à équiper les bases de départ, essence, munitions, approvisionnements, il arrive par les deux grands ports de TA.E.F., Douala et Pointe-Noire. De là au Tchad, il n’y a pas de route praticable et la plaine à franchir est périodiquement inondée. Leclerc établit des éléments de route de 12 mètres de large, en remblai, reliés par des ponts, permettant la circulation d’un bout de l’année à l’autre. Et sur ce ruban, roulèrent pendant des mois les camions surchargés du matériel amené par bateaux, à destination première de Fort-Lamy ; de là à Zouar, il y a 1.500 kilomètres d’un invraisemblable désert coupé par une escale à Koro-toro, désert où l’on verra des camions s’enliser. Pour vaincre tant de difficultés accumulées, il faudra toute la volonté du chef et le dévouement joyeux, l’énergie et l’esprit de sacrifice de ses troupes, qu’animé la grandeur de la cause.

Au départ, la « Force L » — ainsi sera désormais désigné l’ensemble des unités commandées par Leclerc — comprend un régiment d’infanterie portée, plusieurs groupes nomades à chameau, 6 canons britanniques de 25 livres, 8 canons de 75 de campagne, 4 de montagne, une D.C.A. pouvant agir comme antichars, enfin le groupe d’aviation « Bretagne ».

La conquête du Fezzan commence.

Le 30 décembre, le colonel Ingold attaque et occupe la position d’Umm-el-Araneb.
Le 4 janvier, c’est la rencontre d’une compagnie d’élite italienne, qui est abordée de front pendant qu’un sous-officier effectue seul une attaque de flanc à la grenade, semant la panique parmi la défense aussitôt bousculée par un assaut vigoureux. L’aviation adverse tente de réagir : un appareil, descendu à coups de fusil-mitrailleur, explose au sol. Peu après, le fanion blanc apparaît : les Italiens se rendent sans conditions. 10 officiers, 50 italiens, 200 Askaris, 10 canons, 20 mitrailleuses, tombent entre nos mains.

En même temps, une colonne marche sur El-Gatroun dont la garnison, forte de 177 officiers et hommes de troupe, capitule le 6 janvier devant une compagnie méhariste, nous abandonnant un matériel considérable. Le même jour, le groupe « Bretagne » détruit, plus au nord, l’aérodrome de Sebah, débarrassant le ciel fezzanais des appareils ennemis.

Mais une tempête de sable entrave toute progression pendant 24 heures; les hommes vivent enroulés dans leurs burnous, le chèche rabattu sur le visage. Puis la marche reprend. Après avoir réduit la place de Sebah, principal centre militaire, le colonel Ingold à la tête de ses troupes, entre le 12 janvier, clairons sonnant et drapeaux déployés, dans Mourzouk, la capitale religieuse du Fezzan. Méthodiquement, la progression continue vers le nord, vers la côte bleue.

Visiblement les Italiens sont dominés, ahuris, et décontenancés, en voyant surgir partout ces diables de Français. L’effet de terreur ainsi provoqué va jouer efficacement pendant l’avance vers Tripoli.

Le 26 janvier 1943, les combattants français libres arrivent en vue de Ghadamès dont la garnison se rend sans combat : il est vrai qu’elle est privée de son chef qui a jugé plus prudent de ne pas attendre l’arrivée de la terrible colonne dont la réputation de mordant s’est rapidement propagée dans le désert. Le temps de planter le drapeau et voilà qu’un détachement en marche est signalé, émergeant sur un pli de terrain ; un retour offensif des Italiens paraît infiniment peu probable, mais on observe les arrivants. Minute émouvante…

Quelques instants plus tard, les méharistes du général Giraud se présentent devant le fortin, et une franche étreinte réunit les deux chefs, qui partis, l’un de Fort-Lamy, l’autre de Fort-Flatters, se retrouvent… après quelles épreuves!… en ce point du globe où les amena l’amour de la France et la volonté d’assurer son destin.

Pendant ce temps, le colonel Dio poursuit un adversaire qu’il n’est pas facile de rattraper; tout de même, il atteint des éléments, les décime, et, le 21 janvier, il entre à Mizda.
Aussitôt une compagnie est dirigée sur Tripoli, où s’effectue la jonction avec les forces du général Koenig et la 8e Armée britannique.

Par trois fois le général de Gaulle a rendu hommage aux qualités du chef et à la vaillance des troupes.

Le 25 mars 1942, il adressait au général commandant les troupes du Tchad un message de félicitations ;

« Les opérations victorieuses exécutées sous votre commandement en Libye du Sud ont été une réussite complète. Général Leclerc, vous et vos glorieuses troupes, vous êtes la fierté de la France. »

Le 17 janvier 1943, il télégraphiait au général Leclerc :

« La victoire française du Fezzan est une étape importante dans la libération et la vengeance de la Patrie.

« Général Leclerc ! sous votre commandement habile et audacieux, les troupes et l’aviation du Tchad ont su préparer méthodiquement et exécuter hardiment une des des opérations offensives les plus difficiles de cette guerre. Les trésors d’ardeur, de discipline et de courage qu’elles ont dépensés, constituent pour les Français soumis à l’oppression de l’ennemi, un puissant réconfort, et pour le monde une preuve nouvelle de ce que valent nos armes quand elles sont confiées à des chefs dignes de la France.

« Demain, soyez-en certain, les Forces Françaises, inspirées par l’exemple et animées par l’esprit des troupes que vous commandez, seront rassemblées pour lès grandes victoires. »

Enfin les colonnes mobiles du Tchad ont fait l’objet de cette magnifique citation à l’ordre de l’Armée « Admirables troupes qui, sous le commandement d’un chef d’une exceptionnelle valeur, le général Leclerc, ont parfaitement préparé et victorieusement exécuté une série d’opérations offensives en Libye italienne contre un ennemi fortement organisé, et dans les conditions de terrain et de climat les plus dures du globe, ont infligé aux Italiens de lourdes pertes, fait plus de prisonniers qu’elles-mêmes ne comptaient d’hommes, détruit ou pris plus de matériel que celui dont elles disposaient ».

A Tripoli, le général Leclerc reçoit du général Montgomery. la mission de se porter dans le désert sud-tunisien, à Ksar Rhilanne, où la « Force L » rencontre pour la première fois les troupes de Rommel; l’accrochage est rude et, le 10 mars, il s’en faut de peu qu’elle ne soit encerclée par des auto mitrailleuses allemandes, qu’elle met finalement en échec.

Résistance héroïque, grâce à laquelle une division de la 8e armée britannique peut contourner la ligne Mareth pour prendre Gabès, opération à laquelle Leclerc participe.

Désormais, la « Force L » constitue l’aile gauche de nos Alliés et c’est à ce titre qu’elle prend part aux opérations contre la ligne anti-tanks de l’Oued Akarit au nord de Gabès, à la prise de .Kairouan et aux violents combats du Djebel Fadoloum, ayant conquis sa place aux côtés des armées alliées pour la libération de la Tunisie.

Après un séjour au Maroc, où la « Force L » devient la 2e Division blindée, le général Leclerc vogue vers la France.
La France !
C’est pour elle que, commandant, blessé, prisonnier, il échappait aux mains des Allemands; pour elle qu’il s’est joint à ceux qui ne doutaient pas de son destin; pour elle, enfin, qu’il a écrit sur les pistes brûlantes de l’Afrique, une magnifique épopée.

Après cinq jours de navigation, la division Leclerc attend, pendant deux mois, en Angleterre, le moment d’entrer en action. Et le 1er août elle débarque en trois points dans la région de Sainte-Mère-Église, dans le Cotentin.
Regroupée prés de Granville, elle se joint à l’armée du général Patton, traverse en trombe Coutances, Avranches, où les Américains ont réalisé la percée, et livre une série de combats entre Le Mans , Alençon où Leclerc entre le premier, et Argentan.
Tous sont animés du désir d’avancer, d’avancer plus vite, toujours plus vite : tous maudissent la « lenteur » des engins qu’ils conduisent, tant est grande leur hâte de voir se découper sur le ciel d’été la silhouette de la Tour Eiffel.
C’est la poursuite de l’ennemi en retraite par Sées, Mortagne, Rambouillet et Trappes où il est rejoint.

Des accrochages ont lieu : à Trappes, à Longjumeau et dans la vallée de Chevreuse. Un arrêt nécessaire en banlieue proche les fait trépigner, car ils savent que, dans la capitale, les F.F.I. sont déjà aux prises avec les Allemands.
Enfin Paris, les quais, les larges avenues, les Champs-Elysées, l ‘Hôtel-de-Ville où ils font leur liaison avec les patriotes, le 24 août au soir.

Le lendemain, la foule les acclame, tandis que capitulent les derniers ilots allemands.
Le général de Gaulle arrive. L’enthousiasme devient délirant.
Les hommes de Leclerc qui, depuis quatre ans, en ont vu « de toutes les couleurs », ne peuvent en croire leurs yeux ni leurs oreilles. Ils sont à Paris : ces hommes, ces femmes, ces enfante qui les embrassent et manquent de les étouffer, ce sont des Parisiens qui ont été sous la botte nazie mais n’ont, eux non plus, jamais accepté, jamais renoncé. Quant aux Parisiens eux-mêmes, ils contemplent ce double miracle dans lequel ils sont d’ailleurs pour quelque chose : des troupes françaises victorieuses dans leurs. rues, sur leurs places;
Paris libre et intact.

…/…

Texte extrait de : Le Général LECLERC
Edité par la direction des services de presse du Ministère de la Guerre – 1945
amendé par le général Jean-Paul MICHEL

 

 

OASIS de KOUFRA – MARS 1941

 

 

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