Le 10 août, le Japon capitule ; il faut faire vite.
Le 15 août, le Général est nommé commandant supérieur des troupes françaises d’Extrême-Orient. Le départ pour Calcutta est fixé au 18.
Des télégrammes partent dans tous les sens pour rappeler les officiers de l’état-major en mission dans toute la France ; un officier part pour Londres chercher des tenues de toile ; on boucle les valises. Le Général est souriant, l’heure de l’action a sonné.
Le 18 août, c’est le départ : deux Dakotas d’Air France, onze officiers, quatre sous-officiers, quatre civils, dont M. Mus, actuel directeur de l’École de la France d’outre-mer.
Adieux à la France, qu’il faut quitter à peine retrouvée ! On nous charge de lettres pour les Français d’Indochine, de messages, de recommandations…
A Karachi, le Général apprend qu’il est désigné pour représenter la France à la signature de la reddition japonaise et que l’amiral lord Louis Mountbatten, commandant interallié du théâtre d’opérations du Sud-Est asiatique, se trouve à Kandy. Il décide de s’y rendre.
Kandy (Ceylan), poste de commandement de l’amiral Mountbatten, à 1.500 mètres d’altitude, au milieu de l’île. Certains en font l’emplacement du paradis terrestre. Déjeuner chez l’amiral. « Voulez-vous que nous parlions demain ? », dit l’amiral. « Ce soir », dit le Général, qui est pressé. Le but est d’obtenir des Alliés le maximum de bateaux pour le transport des troupes, l’équipement des cinq cents hommes de Ceylan, l’équipement de la 36 D. I. C.
Arrivé le 22 à Kandy, le Général en repart le 24 pour Calcutta (2.000 kilomètres), où se trouve un poste de la D. G. E. R. qui a de très sûrs et précieux renseignements sur l’Indochine, y a quelques agents et des liaisons avec Sainteny, parachuté à Hanoï, et Cédile, parachuté à Saïgon. Premier rapport à Paris. Le 25 août, retour à Kandy, anniversaire de la libération de Paris… Quelques souvenirs…
Et, de nouveau, ce ne sont que démarches auprès des Britanniques, pour obtenir des bateaux, des Américains, pour qu’ils équipent les troupes du général Alessandri, repliées en Chine après le coup de force japonais du 9 mars 1945. Il faut toute la puissance de persuasion du Général, tout son acharnement pour obtenir la moindre chose. Aux yeux des Alliés, en effet, rien ne presse ; la guerre est finie depuis la capitulation japonaise, mais, pour nous, elle ne le sera que lorsque nous serons rentrés dans notre dernier territoire, l’Indochine.
Le 29 au matin, départ pour Tokyo dans le York de Mountbatten, bel avion bien aménagé.
Durant le voyage, le Général écrit des notes, médite, lit les ouvrages sur l’Indochine, ses mœurs, sa conquête…
Une heure d’escale à Calcutta. Le Général écoute les derniers renseignements, donne ses ordres.
Arrêt d’une demi-journée à Manille ; arsenal gigantesque, navires, aérodromes, matériels, ravitaillement.
Escale brève à Okinawa ; formidable porte-avions, quatre-vingt mille aviateurs ; des navires, des dépôts, des hommes.
Le 31 août, vers 16 heures, arrivée à l’aérodrome d’Atsugi. Une seule division américaine, la ne aéroportée, tient la tête de pont, dix-sept divisions japonaises sont autour ! Entrée pittoresque à Yokohama, en pleine nuit, sous la pluie, dans une vieille ambulance japonaise que chaque cahot risque de laisser en miettes. Entrevue avec Mac-Arthur. Très grand chef, simple, sûr de lui, énergique. Devant l’ampleur et la complexité de la tâche du général Leclerc, il doute un peu du succès. « En tout cas, amenez des troupes, le plus possible de troupes. » Ses pouvoirs de commandant en chef ont cessé à la capitulation ; c’est dom-mage, car il nous aurait sûrement aidés. Il écrira toutefois pour nous appuyer à Washington, en Chine… Ambiance très sympathique à cet état-major américain du Pacifique ; les généraux ont, pour la plupart, fait la guerre de 1914, suivi les cours de nos écoles militaires ; ils viennent de terminer une campagne gigantesque. Ce ne sont pas des politiciens, mais des réalisateurs. Promenade sur les pentes du Fuji-Yama, après avoir enfreint, riant comme un collégien, l’ordre de ne pas sortir de la tête de pont. Joli pays, habitants respectueux, à peine surpris. Tout se passe bien. Déjeuner dans un hôtel rempli d’Allemands réfugiés, un peu ahuris, ceux-là !
Le 4 septembre, départ
Commandant LANGLOIS,
Chef de Cabinet du Général Leclerc
1947 – ancien aide de camp du Général en Indochine