Alençon – Samedi 12 août 1944


ALENÇON

 

 

ALENÇON

 

La première ville française libérée par des Français

 

Un épisode de la bataille

 

On savait que la 2e division blindée du général LECLERC opérait sur le front de France, aux côtés des troupes anglo-américaines.

Mais l’émotion de tous les Français fut vive quand Radio-Londres eut annoncé, le soir du 15 août, que c’étaient les hommes du général LECLERC qui avaient libéré trois jours auparavant Alençon de l’occupation allemande.
Alençon était la première ville française libérée uniquement par l’armée française.

Cette libération d’Alençon ne fut comme, de loin, certains l’auraient pu croire, une simple promenade d’agrément.
Des engagements extrêmement vifs eurent lieu aux approches de la cité de la dentelle.
Les Allemands, appuyés par des avions, avaient engagé une division Panzer.
Pour la défense de la ville ; et la route du Mans à Alençon, pour ne prendre qu’un exemple, porta longtemps, entre La Hutte et Fyé, les traces douloureuses et glorieuses des combats qui s’y étaient livrés.
Souvenir de cette libération désormais historique d’Alençon.
Nous retracerons un épisode de la bataille : le combat de Champfleur.

 

 

ALENÇON

 

La division LECLERC, venant du Mans, vers le nord, eut à lutter, le 11 août, assez âprement à Champfleur, à 7 kilomètres avant Alençon. En passant à Bourg-le-Roi, le boulanger, M. MAR­TIN, interrogé par les hommes du char de tète, s’offrit spontanément pour guider la colonne et, en costume de travail, monta dans la tourelle du char et dirigea l’une des colonnes qui traversaient la plaine d’accès au village. Le char de tète avisé qu’il n’y avait pas de résistance à Groutel, avance avec témérité le long de la ligne, malgré le feu de l’ennemi situé sur des positions dominantes ; il traverse le pont du chemin de fer, qui accède à l’agglomération, seul et très en avant, entre dans le village même, rejoint aussitôt par un tank allemand, engagé sur le pont, qui tire un obus, frappant la tourelle. Le char français, non atteint dans ses oeuvres vives, riposte par arrière et touche le tank allemand, qui flambe sur le pont, en interdisant le passage au gros de nos troupes.

Le char de tête continue sa marche isolée en avant, traverse la place de l’Eglise et va anéantir par derrière, au-dessus du cimetière, un tank e Panthères posté dans une position dominante au-dessus de la plaine. Il revient à Champfleur où le rejoignent d’autres éléments, qui ont contourné le village au delà de la gare, après un feu nourri des chars et de mousqueterie qui a duré de 19 h. 30 à 21 heures. La 10e Panzer division autrichienne (formée d’éléments originaires de Vienne et de Silésie) se retire alors.

Les obus ont atteint différentes habitations, le couvent, la mairie, des fermes, sans faire heureusement aucune victime mortelle.

Le général LECLERC, lui-même, arrive sur la place du village et malgré la fusillade qui continue de la part d’un groupe de chars français, non atteint encore par’ le c cessez le feu a, accueille le cidre rafraîchissant que lui apporte l’aubergiste, sortie une des premières à sa rencontre. Un obus tardif crève le clocher. Le général LECLERC, peu ému par une fusillade à laquelle il est habitué depuis le Sahara, réitère les avertissements radiophoniques et la place, enfin revenue au calme, s’emplit immédiatement d’une population enthousiaste, qui attendait des Américains et voit avec transport de vrais officiers et soldats français.

Le commandement français aussitôt avisé par des Alençonnais que la résistance allemande n’était pas organisée sérieusement à Alençon, quittait Champfleur sans tarder et devait atteindre la Préfecture de l’Orne le lendemain matin 12 août, sans rencontrer de résistance sérieuse.

De la N. 138, que plusieurs routes transversales relient à celle de Champfleur à Bourg-le-Roi et, vers l’Est jusqu’au delà de la Voie ferrée de Caen au Mans, qui la traverse de Groutel au Nord aux abords de Rosay au Sud. La gare de Bourg-le-Roi se trouve même sur le territoire de Cherisay.

Il en est résulte, à partir du débarquement, de nombreuses attaques aériennes. D’une part, les avions alliés ont mitraillé à plusieurs reprises la route d’Oisseau à Bourg-le-Roi, y détruisant trois véhicules allemands. De l’autre, des bombardements à peu près journaliers ont été dirigés à compter du 7Juin contre la ligne et notamment contre la gare ou une rame de wagons vides ayant servi au transport de troupes et remisée sur la voie de garage attirait l’attention et les projectiles des aviateurs, ainsi que contre le passage à niveau voisin. Par miracle, le bâtiment de la station n’a jamais, été directement atteint. Mais il a été encadré par les bombes elles ont été particulièrement nombreuses autour de l’aiguillage de la voie de garage et quelques jours avant la libération, il en est tombé une dans le jardin de l’Hôtel de la Gare, qui a causé à celui-ci de sérieux dégâts et criblé d’éclats, de l’autre côté de la voie, la maison du garde-barrière. Depuis le début de juillet, la gare et les habitations voisines avaient d’ailleurs été évacuées.

Dans la semaine de la libération, de nombreux Allemands, appartenant à différentes unités, sont venus cantonner dans toute la commune. Certains se sont montrés menaçants à l’égard de la population : c’est ainsi qu’un gradé des SS, furieux de ne pouvoir retrouver une auto dont il voulait s’emparer; a prétendu en vain du reste exiger du maire, M. Louis Chauvel ; la liste des habitants.

C’est le 11 août, à la fin de l’après-midi, que des troupes françaises sont arrivées de Bourg-le-Roi, qu’elles venaient de libérer, à Cherisay. Tandis qu’une colonne de blindés se portait directement sur Champfleur par Groutel, cinq chars, sous la conduite de M. L. Martin, ont poussé jusqu’au bourg, qu’ils ont atteint vers 18 heures 30, et que deux tanks allemands venaient de quitter ; ils s’y sont arrêtés une demi-heure, puis l’un ­d’eux a fait demi-tour et les quatre autres ont continué vers Champfleur.

 

CHAMPFLEUR

 

La commune de Champfleur, où s’est produit, lors de la libération, un vif engagement, riche en péripéties dramatiques, est traversée du nord au sud par la ligne de Caen au Mans, qui y. compte une station et qui a attiré sur elle, à partir du débarquement, de fréquents bombardements.

Dès le 6 juin, entre 7 et 8 heures, une locomotive a été mitraillée et un Allemand grièvement brûlé. Un ou deux jours après, des bombes ont été lancées aux abords de la gare, qui a été, par la suite, l’objet d’attaques aériennes répétées, ainsi que le point de Barrée et celui des Batailles, sans d’ailleurs que ces objectifs aient été touchés. Par contre, le 14 juin, vers 8 heures, le Pont situé à la sortie sud du bourg a été atteint et très endommagé tout en restant praticable, tandis que troismaisons voisines subissaient de sérieux dégâts.

Le 22 juin à 14 heures s’est produit, au-dessus de Champfleur, un combat d’avions à la suite duquel un appareil allemand est allé tomber en flammes sur le territoire de Saint-Rigomer.

Quelques jours après le débarquement, une soixantaine d’hommes, mes employés par l’organisation Todt la réparation des voies des Nord-Africains encadrés par plusieurs Allemands sont venus s’instiller au presbytère et au monastère, ils en sont Partis entre le 6 et le 11 août.

Aux approches de la libération des troupes ennemies de diverses armes cantonnent sur points de la commune : il y en a dans les hameaux de la route du Pont et à la Bourdonnière du 4 en soir au 8 ; à la Neslière le 8 et le 9, puis le 10.

Le 10 également, des SS arrivent en grand nombre, avec des chars, dont certains vont s’installer sur la route de Groutel à Cherisay. Le bourg est sévèrement gardé par des sentinelles et les habitants, reçoivent l’ordre de rester calfeutrés chez eux pendant la nuit.

Mais le vendredi 11 au matin, le Canon gronde au sud et, vers 9 heures, un groupe d’habitants apprend par deux prisonniers français appartenant à l’équipage d’un char, qui s’est trop avancé, l’approche de la division Leclerc. Une partie de la journée se passe dans une attente inquiète. Mais aux environs de 16 heures des éléments ennemis de toutes sortes, chassés de Bourg-le-Roi reculent sur Champfleur. Des chars viennent s’embusquer derrière une haie épaisse à la Bourdonnière. Puis, vers 18 heures, d’autres, arrivant de la direction de Courtilloles, prennent position à l’est du bourg ; toutefois, l’un d’eux en panne, est incendié par son équipage près des Ormeaux: Ces divers blindés tiennent ainsi sous leurs feux croisés la route de Bourg-le-Roi.

Tout à coup, à 19 heures 30 environ, les mitrailleuses crépitent, accompagnées aussitôt par le fracas des canons : 17 tanks français du sous-groupement Ronvillois marchent sur Champfleur, après avoir traversé Groutel sans incident. Conformément aux ordres reçus par TSF, le premier, le » Brive-la-Gaillarde « , commandé par le lieutenant Krepps et guidé par M. I. Martin, de Bourg-le-Roi, quitte la route un peu au nord du croisement de celle de Cherisay, par laquelle il est arrivé, s’avance par la plaine, entre celle-ci et la voie ferrée ; abrité, tout au moins du côté de l’ouest, par un vallonnement, il réussit à atteindre et à franchir le pont du chemin de fer, à l’entrée sud du bourg, annonce par radio que celui-ci n’est ni détruit, ni miné et pousse audacieusement jusqu’à la place de l’église. Mais en même temps, les deux chars suivants, le » Blois » et le » Brantôme « , sont atteints par le tir des blindés de la Bourdonnière et brûlent sur la route, aux roquettes, à 3 ou 400 mètres du pont sud, tandis que deux autres, le » Bourges » et le » Saint Chamond « , sont mis » hors d’usage » à l’est de la route, dans un repli de terrain situé entre le Pont des Batailles et le passage à niveau de Garancière, par le feu d’un tank installé aux Vignes.

Cependant, un des chars de la Bourdonnière se détachant, s’avance vers le bourg, s’engage à son tour sur le pont sud, aperçoit le Brive sur la place de l’église et tire sur lui un obus dont les éclats touchent légèrement ses roulements. Le tank français recule rapidement fait manoeuvrer sa tourelle et atteint ‘à bout portant son adversaire qui explose en obstruant le pont et dont les occupants sont carbonisés. Le » Brive » repart ensuite vers l’église, puis vers le cimetière, démolit un autre char allemand qui se tient un peu au-delà, fait un tour dans la plaine jusqu’auprès du pont des Batailles et rentre par la route du cimetière dans le bourg, sur lequel les pièces françaises, ignorant sa présence, continuent à tirer. D’autres; tanks ne tardent d’ailleurs pas à le joindre, en passant à l’ouest de la ligne et par le passage à niveau de la gare. Et voici le général Leclerc lui-même, avec son PC avancé ; il boit un verre de cidre et donne l’ordre d’arrêter le tir, qui vient d’atteindre le clocher et de blesser près de lui un aspirant. Le bourg de Champfleur est aux mains des Français et les habitants, dont beaucoup s’étaient dispersés dans les champs y rentrent, acclamant le général et ses hommes.

Sur le flanc droit l’attaque a été efficacement soutenue par deux blindés qui, vénus de Bourg-le-Roi à Garancière, par les hauteurs qui s’élèvent à l’est de la voie ferrée, ont pu tirer profit de cette position dominante et ont finalement atteint, en passant par Montlioux, la route de Courtilloles. De ce coté, un tank allemand, qui s’est retiré vers l’est s’arrête pour la nuit à la ferme du Tertre et parvient, le 12 au matin, à gagner la forêt de Perseigne.

Sur la gauche, où les blindés ennemis se sont repliés vers la Feuillère, d’autres chars français se sont avancés par la plaine, à l’ouest de la route de Bourg-le-Roi, vers la Bourdonnière, où ils ont incendié deux canions et démoli un bâtiment à usage de fournil, puis vers la Bourdonnière et enfin vers les Essarts, sur la route d’Arçonnay.

Au cours du combat, qui a duré une heure 1/4 environ, quatre militaires français ont été tués dans les chars (Décès constatés. Les soldats Jean Bringuier, Salomon Kalifa, Gaston Lalanne et Antoine Pérez, du 12e Cuirassier, tous inhumés au cimetière de Champfleur) deux y ont disparu, carbonisés, et un a été mortellement blessé (le brigadier Georges Jouvel, du 12e Cuirassiers, décédé à Groutel, tandis qu’on le transportait à un poste de secours installé à Bourg-le-Roi, où il a été inhumé). Du côté allemand, cinq hommes ont péri (dont un membre de l’équipage d’un tank mort de ses blessures au monastère) ; sept ont été faits prisonniers dans le bourg. Parmi la population, on ne compte que deux blessés légers, mais le toit en bâtière du clocher de l’église a été crevé par un obus du côté sud, à la hauteur des cloches, et le campanile du couvent démoli ; diverses maisons ont été atteintes par des projectiles, notamment la mairie école, dont le mur sud-est est éventré, le monastère et trois maisons aux Vignes, dont une est détruite entièrement et deux partiellement ; enfin, plusieurs constructions situées derrière l’épicerie Lechat, ont pris feu et brûleront toute la nuit.

Cependant, les allemands se sont retirés, tout en combattant, par la route d’Arçonnay, suivis par les Français, qui se portent vers Saint Gilles et le Vieux Bourg. La fusillade se prolonge jusque vers 21 heures, puis l’ennemi » décroche « .

A Champfleur, un parc a été formé par des véhicules de l’Etat-major Dio dans un vaste pré situé juste à l’ouest de la station, de l’autre côté de la voie, et le général Leclerc, après avoir achevé de donner ses ordres en vue de l’occupation d’Alençon et de ses ponts, y prend un peu de repos bien gagné.

Mais vers 1 heure du matin, l’artillerie allemande ouvre brusquement le feu, atteint dans le parc un half-track, dont les munitions vont sauter pendant le reste de la nuit, et tue deux sous-officiers (le sergent-chef Gabriel Navarro et le sergent Georges de Vasita, du régiment de marche du Tchad, inhumés au cimetière de Champfleur) ; elle touche également une maison située près du pont sud et qui est sérieusement endommagée. Le tir assez espacé ensuite, dure environ une heure. Mais déjà, le général Leclerc a repris sa route vers Saint-Gilles et Alençon.

Quant aux villages de la partie nord-est de la commune (hameaux de la rue du Pont, de la Cheslière,…), les troupes françaises n’y sont passées que le lendemain matin vers 7 heures 30 – 8 heures, venant les unes de Champfleur, les autres d’Ancianes.

 

 

D-DAY - Libération d' Alençon, Sées, Argentan - 1' 15

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